• Scout Niblett

    06 juin 2013

  • J'étais partie très loin

    22 mai 2013

    Ça fait plus d’un an que je n’ai pas posté, aussi je suis tombée sur ce blog où la fille – un génie – je ne dis pas ça parce que je m’identifie – explique pourquoi la dépression l’a empêchée de produire mais aussi ressentir quoi que ce soit pendant deux ans.    

    Je n’avais jamais lu quelque chose d’aussi clair sur le sujet.

    Enfin - grosse ellipse ici - le fait de ne plus arriver à lire de romans (la cause de ceci qui entraîne cela) m'a ouvert sur le monde du dessin et de la bande dessinée, comme quoi on peut avoir des ressources insoupçonnées de curiosité et d'intérêts. 

    http://hyperboleandahalf.blogspot.fr/2013/05/depression-part-two.html
  • How to Disappear In America 2

    22 mai 2013

    Tu me dis d’écrire spontanément alors je vais le faire, je vais parler de manière semi-automatique un peu comme quand je vais chez la psychanalyste, je remarque que je n’écris plus d’ailleurs depuis que je vais là-bas, il y a un truc qui lutte avec la création, peut-être qu’on ne peut pas sublimer tous azimuts. Ou alors c’est autre chose, cet éternel sentiment de marcher à côté de soi. La nuit dernière j’ai rêvé que j’allais chez une créatrice de mode et que je tombais sur une robe hyper jolie, en fait ça fait des années que je n’achète plus vraiment de vêtements et encore moins de robes, les trucs féminins tout ça, et cette robe m’allait très bien et ça me faisait vraiment très plaisir qu’elle tombe si bien, je ne sais pas si c’était une robe dernier cri mais en tout cas les couleurs étaient parfaites, et en me réveillant j’ai réalisé tout le bonheur que je refoulais en refusant le plaisir de ces choses-là, les robes, les couleurs, les symboles de la féminité, parce que j’ai tellement peur de la pression de la séduction, et aussi parce que c’est difficile d’avouer qu’on aime secrètement ces choses-là, qu’on pourrait aussi susciter du plaisir dans le regard des autres. Dans The Artist Is Present, Abramovic disait que les robes de Riccardo Tisci lui avaient procuré un « plaisir coupable ».


  • Le corps-contrôle

    16 avril 2012

    "La dévalorisation systématique de leur physique que l’on encourage chez les femmes, l’anxiété et l’insatisfaction permanentes au sujet de leur corps, leur soumission à des normes toujours plus strictes et donc inatteignables sont typiques de ce que l’essayiste américaine Susan Faludi a identifié en 1991 comme lebacklash : le « retour de bâton », qui, dans les années 1980, a suivi l’ébranlement provoqué à la fin des années 1960 par la « deuxième vague » du féminisme. Le corps, comme l’a montré Naomi Wolf dans The Beauty Myth (« Le mythe de la beauté »), paru la même année que le livre de Faludi, a permis de rattraper par les bretelles celles qui, autrement, ayant conquis – du moins en théorie – la maîtrise de leur fécondité et l’indépendance économique, auraient pu se croire tout permis. Puisqu’elles avaient échappé aux maternités subies et à l’enfermement domestique, l’ordre social s’est reconstitué spontanément en construisant autour d’elles une prison immatérielle. Les pressions sur leur physique, la surveillance dont celui-ci fait l’objet sont un moyen rêvé de les contenir, de les contrôler. Ces préoccupations leur font perdre un temps, une énergie et un argent considérables ; elles les maintiennent dans un état d’insécurité psychique et de subordination qui les empêche de donner la pleine mesure de leurs capacités et de profiter sans restriction d’une liberté chèrement acquise. Elles-mêmes, en outre, se sentent coupables de la transgression que constitue leur présence dans des sphères d’où elles ont longtemps été exclues ; elles ont donc tendance, pour compenser, pour rassurer les hommes ou pour se rassurer elles-mêmes sur leur pouvoir de séduction, à surenchérir dans le soin porté à leur apparence."

    Mona Chollet, "Beauté Fatale - Les nouveaux visages d'une aliénation féminine", Paris, éd. Zones, 2012.
  • Le désennui

    09 avril 2012

    Tous les matins, je dépose ma progéniture chez la personne qui la garde tandis que je pars gagner ma vie à l’autre bout de la ville. Et tous les matins, je croise le même vieux monsieur qui surveille les allées et venues des gens qui entrent dans "son" immeuble. Je ne sais pas s’il s’agit vraiment du concierge, ou simplement s’il est là pour voir des gens. Il est toujours habillé de la même manière : une veste bleu marine très défraîchie, une chemise bleu clair, un pantalon noir et des chaussures usées. Il a les cheveux blancs, le dos voûté, la peau un peu rouge, des yeux petits et clairs, et le sourire poli des gens qui vivent depuis longtemps avec la solitude.  

    Pendant plusieurs semaines, il restait planqué de l’autre côté de la porte, me guettant sans m’aider avec la poussette et me laissant trouver l’interphone jusqu’à ce que je réussisse à entrer péniblement en coinçant la porte avec mes fesses et mon pied, puis en glissant vite la poussette à l’intérieur en soulevant les roues pour éviter le paillasson, juste avant que la porte ne se referme brutalement sur la petite chose de 7 kg qui gazouillait au milieu de tout ça.

    Il est là, il me regarde sans comprendre qu’il aurait pu m’aider, comme retranché de la vie, en spectateur du monde. Je lui souris d’un air un peu exaspéré. Jour après jour, il a répété le même manège jusqu’à ce qu’il comprenne que je ne représentais probablement pas une menace pour l’immeuble et sa personne, et qu’il finisse par m’ouvrir et me tenir la porte.  

    Encore ce matin c'est le même manège, la même petite gêne répétée. Il ne sait pas trop quoi me dire et moi non plus, et quand je tente une approche gentille il n’écoute pas ou bien il n’entend pas. Il me parle du temps qu’il fait, m’annonce « qu’il ne fait jamais beau temps à Pâques » ce que je n’avais jamais remarqué précédemment. Dernièrement il a soufflé  « Une autre journée… à passer… », il a prononcé la phrase comme ça, en la lâchant presque par accident, en deux temps, en prenant bien son temps, en prononçant les mots, en respirant à l’hémistiche. Et ça m’a bouleversée longtemps, dans l’infini trajet du métro qui a suivi. Les jours s’égrènent si péniblement et si lentement, sur ce long ruban à mesurer jusqu’à la mort. Je me rappelle d’une phrase de ma grand-mère maternelle qui n’était pratiquement pas allée à l’école et qui, me demandant si j’aimais étudier et lui répondant par l’affirmative, avait conclut que l’école était sûrement « un bon désennui ».  

    Je me suis beaucoup ennuyée enfant et adolescente mais très peu par la suite. Je crois que les publicités « contre le quotidien » et « contre l’ennui » avec un yaourt spécial « exotique » ou des voyages low cost, en y réfléchissant très sérieusement, pourraient assez facilement me faire pleurer. « Le quotidien est l’ennemi du marketing », rationalise un collègue planneur stratégique avec qui je travaille. Je me demande si ce n’est pas la même chose, cet ennui artificiellement créé par les lois si intelligentes du marché et cette autre forme d’ennui, cette attente sans but, cette longue et angoissante attente, des petits vieux aux portes des immeubles.   

    Photo : Thomas Ruff, Sterne series (1989-1992).
  • Ulrike Meinhof als junge Journalistin

    16 mars 2012

  • Pourquoi je suis féministe

    08 mars 2012

    Dernièrement je voyais sur facebook quelqu’un, une jeune femme, écrire très sérieusement qu’elle ne « supportait plus les féministes », et à lire les commentaires qui ont suivi, elle n’était pas la seule à le penser. Je suis certaine que cette même jeune femme est pourtant ravie de pouvoir bénéficier – et encore ce n’est pas sûr – du même salaire que ses collègues masculins, de voter quand ce sera le grand jour, de posséder un carnet de chèques, d'avoir droit à un avortement libre et gratuit si elle le désire, de jouir d’une protection médicale et sociale en cas de violence conjugale et j’en passe. Les féministes ne font pas dans la dentelle, bien sûr, parce qu’on ne gagne pas une guerre avec des sourires. Mais tout se passe comme si être féministe était la chose la plus ringarde du monde. Hey, meuf : moi je suis bien contente d’arriver à gagner ma vie de manière totalement autonome et d’avoir avorté quand il a fallu le faire. Je serais encore plus heureuse si les victimes de viol étaient prises en charge plus convenablement qu’elles ne le sont aujourd’hui, si je n’avais pas à me battre avec des vieux démons de timidité et de coquetterie lorsqu’il s’agit de dealer avec le pouvoir et sa violence, si j’avais appris à négocier plus naturellement les questions d’argent et si je pouvais me départir des questions parfois obsédantes liées à l’apparence, à la séduction et au désir. Oui il reste du boulot. J’aimerais ne plus avoir peur de la technique qu’elle quelle soit, j’aimerais arriver à imposer un partage des tâches ménagères sans drama et même ne pas sacrifier ma vie professionnelle parce que j’ai un môme. Oui ça me révolte que les postes de pouvoir soient encore majoritairement occupés par des hommes, que les personnalités influentes, politiques, médiatiques soient le plus souvent masculines, que des blagues de sexisme ordinaire courent encore sur toutes les radios et les bars du coin comme si ce n’était pas aussi révoltant que l’homophobie ou l’antisémitisme. Et encore, ma situation est mille fois plus enviable que celle de certains pays où la révolution reste à faire. Il existe encore des pays où la lapidation est légion, où les femmes doivent vivre cachées sous un voile, où les études leur sont refusées, où elles ne peuvent pas travailler ni avoir accès à des soins sans l'accord de leur mari, où elles sont assimilées à des servantes. C’est la journée des femmes et non je ne trouve pas ça anodin ou anti-féministe de le souligner. Voilà pourquoi je suis féministe. 


    Photo : En septembre 2010, la député européenne italienne Licia Ronzulli a fait sensation au Parlement européen en participant à la séance plénière en portant contre elle son bébé d'un mois. Elle a reçu les applaudissements de ses collègues, avant de revendiquer des meilleurs droits pour les femmes.
  • Bad Girls : le corps libre de M.I.A.

    29 février 2012

    Bad Girls est un clip de M.I.A. réalisé par Romain Gavras. Il met en scène de jeunes femmes voilées qui exécutent des cascades de fou dans le désert au volant de leurs BMW sous les yeux d’hommes en habits traditionnels, tout excités d’assister à cette démonstration de girl power arabisante. Les jeux de voitures ça existe dans toutes les campagnes du monde, quand on s’ennuie le samedi soir et qu’on veut défier la mort parce qu’il ne reste que ça pour épater les filles ; sauf qu’ici c’est tellement joyeux et sulfureux, bien que l'on s’ennuie aussi en semaine à Ouarzazate. La vulgarité et la fête, le n’importe quoi, l’explosion : c’est le soulèvement d’un voile qui reste pourtant bien noué, un déhanché devant des feux, un petit roux (coucou) à la fin du clip, un vol de papillon en sweat fluo et des keffiehs dans le vent. 

    C’est la signature Gavras : spectaculaire et choquante, inutile et clinquante, violente et gratuite. Mais ici, ce n’est pas le désespoir ou la guerre ou l’exclusion ou le génocide qui intéressent : c’est exactement l’inverse, le bonheur d’une liberté imaginaire qui serait conquise, à la fois politique et féministe. Et puis pourquoi pas. On y a quand même un peu cru, au printemps arabe.  

    Née à Londres il y a 36 ans, Mathangi « Maya » Arulpragasam a été rapidement confrontée à ce que le monde politique offre de plus tragique. A six mois, elle déménage au Sri Lanka où son père milite pour l'Îlam tamoul, sauf que la guerre civile éclate. Retour à la case départ, Londres, cette fois en tant que réfugiée. Et c’est sans doute à partir de cet état-là, en étrange pays dans son pays lui-même, que M.I.A. développera cette sensibilité pour toutes les causes politiques de tous les opprimés sur fond de grosse colère hip hop/grime/ragga. M.I.A. est une vraie londonnienne, et ce n’est pas un cliché de dire que la ville est permissive, qu’elle aime l’exubérance et la musique à tue-tête. C’est une ville qui a la capacité rare d’absorber la révolte (d’ailleurs, M.I.A. prendra fait et cause des émeutes de 2011). Ce que je veux dire c’est que M.I.A. n’aurait pas été M.I.A. si elle avait grandi à Paris.   

    Mais je crois qu’il y a autre chose que les scandales (dernier en date : un doigt d’honneur lors d’un concert au Superbowl) qui attirent l’attention sur M.I.A. En 2009, elle décide de chanter sur la scène des Grammy Awards alors qu’il s’agissait de son « jour présumé d’accouchement », tout ventre dehors, moulée dans une micro-robe noire transparente et au diable la perte des eaux. Peut-être que le vrai génie de M.I.A., sa plus grande beauté, c’est sa force qui vient du corps libre. Quand on la regarde danser et notamment dans Bad Girls, rigoler dans la vitesse et le danger, mêler féminité girly bitch (la manucure rose sur le capot) et la franche déconnade jackassienne (les bigoudis dorés et les kalachnikovs), on se dit qu’elle a réussi à s’affranchir de l'éternel et débile dilemme féminité/cerveau. M.I.A. c’est le plaisir du corps et le corps du plaisir, une manière intelligente et sexy de dire fuck le sourire aux lèvres, savamment glossées.